« Laissez-le dans le sol ! » La société civile congolaise envoie un message fort pour stopper la vente aux enchères des droits d'exploitation du pétrole et du gaz en RDC, alors que s'ouvre le sommet sur le climat COP28.
30 novembre 2023
Kinshasa, le 30 novembre 2023
Alors que la délégation du gouvernement de la République Démocratique du Congo (RDC) se prépare pour les négociations cruciales sur le climat de la COP28 aux Émirats arabes unis (EAU) qui débutent plus tard cette semaine, la société civile congolaise et les organisations autochtones ont envoyé à leur représentants, ainsi qu'à l'ensemble de la communauté internationale, un message fort : il est temps pour le pays de s'éloigner des projets pétroliers et gaziers et de s'orienter vers une transition énergétique juste.
Dans une déclaration commune, 22 organisations appellent le gouvernement à renoncer à poursuivre ses plans d'exploitation des hydrocarbures et à respecter véritablement son engagement de faire de la RDC un "pays solution" dans la lutte contre le changement climatique.
La déclaration est le point culminant d'une réunion de deux jours qui s'est tenue à Kinshasa et à Goma, les 27 et 28 novembre, au cours de laquelle des participants de différentes provinces du pays ont discuté des derniers développements dans la vente aux enchères controversée de 30 blocs de pétrole et de gaz par le gouvernement. Ils ont également rendu compte de leurs consultations avec les communautés touchées, qui ont été tenues dans l'ignorance des plans d'exploitation des combustibles fossiles sur leurs territoires, et qui craignent de perdre leurs terres et leurs moyens de subsistance traditionnels.
Cette position intervient dans un contexte de préoccupations croissantes concernant la vente aux enchères lancée par le gouvernement de la RDC en juillet 2022, qui inclue plusieurs concessions situées dans certaines des forêts tropicales les plus intactes du monde et chevauchant des zones protégées, les tourbières riches en carbone de la Cuvette Centrale et les terres ancestrales de milliers de communautés..
Des événements récents ont soulevé de nouvelles questions quant à l'intégrité du processus de vente aux enchèresLe gouvernement a attribué les premiers blocs de gaz en septembre, dont l'un à une entreprise canadienne créée en janvier 2022 et n'ayant aucune expérience connue dans le secteur. Cette décision fait suite à la présélection de la société franco-britannique Perenco pour deux blocs pétroliers, après qu'elle a offert quatre Toyota Land Cruisers au ministère des hydrocarbures.
Les délais de soumission des manifestations d'intérêt pour les autres blocs ont été reportés à plusieurs reprises en raison du faible intérêt manifesté par les soumissionnaires potentiels. Un nombre de ces blocs nécessiteraient d'énormes investissements en infrastructures, ce qui remet en question leur viabilité commerciale et amène certains observateurs à conclure que leur mise aux enchères vise en partie à obtenir des concessions dans le cadre des discussions internationales sur le financement de la lutte contre le changement climatique.
Les représentants de la société civile ont également réitéré à l'unanimité que la gouvernance transparente des ressources naturelles et le respect de l'État de droit doivent être le pilier du développement durable, ainsi que la participation significative des communautés locales et des peuples autochtones qui protègent traditionnellement les forêts tropicales de la RDC.
Nicole Bila, représentante de l'ONG RENAD, qui s'est exprimée lors de la conférence de presse organisée à l'issue de la réunion, a salué les messages contenus dans la déclaration, qui reflètent véritablement l'expérience vécue par les communautés de Muanda :« Le Kongo Central est la seule province de la RDC où l'exploitation pétrolière est déjà en cours. Après de nombreuses années [d'exploitation pétrolière par Perenco], nous constatons que nos écosystèmes doivent être protégés et que l'extraction des combustibles fossiles n'a que des effets négatifs. Nos moyens de subsistance traditionnels et nos cultures ont été détruits, nos cours d'eau sont pollués et nous ne savons plus où vivre parce que l'environnement et la qualité de l'air ne sont pas sains. C'est pourquoi nous disons que nous voulons laisser le pétrole dans le sol. Notre pays est bien doté en ressources naturelles, des alternatives solaires et hydroélectriques sont possibles pour générer l'accès à l'électricité et l'agriculture durable peut répondre à nos besoins économiques. Nos ancêtres nous ont donné notre terre, et nous avons la responsabilité morale de la protéger pour les générations futures ».'
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