#IWD 2023 : Les femmes rurales au cœur de la gestion participative des ressources forestières
12 mars 2019
Un blogue invité de nos partenaires de ForestLink :
Le secteur forestier Camerounais joue un rôle très important dans l’économie nationale et assure un ensemble de fonctions sociales et environnementales essentielles pour de nombreuses communautés locales et autochtones. Le secteur se retrouve de ce fait confronté à plusieurs tensions liées à la bonne gestion de ses ressources. Dans le souci de favoriser une gestion forestière durable et inclusive, le Cameroun a mis en place une loi forestière, inspirée des recommandations du sommet de Rio de 1992.
Cette volonté a été matérialisée avec la décision instaurant la mise en place des Comités Paysans Forêt (CPF), organe de représentation des populations riveraines aux titres forestiers permanents. Ces comités qui se sont développés dans l’ensemble du Cameroun, ont été mises en place en 2021 dans le département du Mbam et Kim, avec la facilitation de la GIZ.
L’apport des femmes dans la gestion forestière
Cependant, la mise en place des CPF rencontre quelques difficultés pour leur fonctionnement optimal. En effet, les femmes sont souvent en marge des réunions et de la prise de décisions clés, bien que leur rôle dans la gestion des ressources forestières soit décisif. Les femmes sont en première ligne en matière de protection et de gestion des forêts au niveau local, du fait de leur forte dépendance aux forêts pour leur subsistance. Ceci justifie leur place dans la constitution des CPF, faisant par ailleurs de leur engagement une condition cruciale pour la réussite de la politique forestière. D’autre part, depuis la quatrième Conférence mondiale des femmes à Beijing en 1995, le constat relatif à la précarité socio-économique des femmes demeure. Le manque de leur autonomisation qui se traduit par un nombre élevé de femmes rurales économiquement démunies, la faible représentativité des femmes à tous les niveaux, et leur faible taux d’accès aux services sociaux vont de manière croissante.
C’est autour de ces problématiques que l’association Écosystèmes et Développement (ECODEV) s’intéresse à l’aspect du genre dans le processus de gestion des ressources naturelles et de développement durable, à travers la mise en œuvre du projet « communautés, femmes rurales, gouvernance forestière et développement communautaire en périphérique des aires protégées de la faune et des autres titres du domaine forestier du Mbam et Kim». C’est autour de ces problématiques que l’association Écosystèmes et Développement (ECODEV) s’intéresse à l’aspect du genre dans le processus de gestion des ressources naturelles et de développement durable, à travers la mise en œuvre du projet « communautés, femmes rurales, gouvernance forestière et développement communautaire en périphérique des aires protégées de la faune et des autres titres du domaine forestier du Mbam et Kim».
Le projet est parti de l’hypothèse selon laquelle le développement économique des femmes à travers une activité génératrice de revenus bénéficierait à l’ensemble de chacune des 12 communautés du projet, et l’émancipation des femmes à travers leur inclusion dans la gouvernance forestière permettrait de favoriser la représentativité et renforcerait l’implication des CPF dans la gestion forestière locale.
Pour la bonne réussite du projet, les communautés ont été amenées à participer et à s’approprier les moyens mis en place pour les responsabiliser sur la lutte contre la déforestation. De nombreuses réunions ont été misent en place pour sensibiliser les communautés au rôle important qu’elles ont dans la gestion forestière. Ainsi, la sensibilisation et la formation prennent une place importante dans le développement de compétences, ce qui favorise un changement de pratiques qui se maintient dans le temps, dans une perspective d’amélioration continue. Ces réunions se voulaient participatives et inclusives, permettant aux hommes et aux femmes d’intervenir dans les échanges. Les femmes, de primes abords en retrait, se sont investies dans les discussions et ont pu apporter leurs connaissances essentielles pour l’avancée du projet.
Dans les villages du projet, 150 femmes ont participé aux réunions et discussions communautaires, et finalement 48% des participants aux réunions étaient des femmes. Elles ont pu travailler en focus group pour échanger sur leurs difficultés et leurs connaissances du terrain. Ces réunions ont permis aux femmes de s’affirmer dans les discussions communautaires et de réaffirmer leur rôle dans les Comités Paysans Forêt.
L’utilisation de la technologie comme moyen de lutte contre l’exploitation illégale
L’un des objectifs du projet était d’équiper et de former les communautés à l’utilisation de la technologie Forestlink. Il s’agit d’une application à plusieurs composantes. La composante Collectaur qui est installée dans les Smartphones mis à la disposition des populations leur permet de pouvoir signaler des activités forestières présumées illégales, par le biais d’une connexion satellite ou internet même depuis les endroits sans couverture de réseau téléphonique.
Lors de déplacements en forêt, les communautés à l’aide de leur téléphone peuvent renseigner sur une activité forestière illégale, en collectant et en envoyant dans la plateforme Monitaur, une ou plusieurs alertes constituées entre autres d’une photo de l’indice d’illégalité, des coordonnés GPS. Ces données de surveillance traitées en temps quasi-réel sont mise à la disposition de l’administration forestière locale, pour leur permettre de mener des descentes de terrain ciblées et plus efficaces. Sur les 12 téléphones remis aux communautés, 6 ont été confié aux femmes des communautés, par leurs chefs de village, démontrant de ce fait la place des femmes dans la surveillance forestière.
Le projet porté par Écosystèmes et Développement a permis de former 161 personnes dont 45 femmes, à l’utilisation de ForestLink. Les femmes, premières concernées par les ressources forestières, ont suivi la formation avec intérêt. En effet, elles se rendent constamment en forêt pour ramasser les produits forestiers non ligneux (PFNL) à l’instar du Ndjansang et de l’Okok. Leurs déplacements en forêt permettent une surveillance régulière sur les différentes activités qui s’y déroulent.
L’autonomisation socio-économique des femmes à travers la création d’activité génératrice de revenus
La mise en place d’une activité génératrice de revenus (AGR) dans le cadre du projet s’est appuyée sur le développement communautaire basé sur les actifs. Il a été question de permettre aux bénéficiaires de se focaliser sur les choses qu’elles ont déjà, plutôt que sur celles qui leur manquent. Cette approche a permis de valoriser le territoire et de ne pas implémenter une activité nuisible à l’écosystème naturel. Le choix de l’apiculture s’est donc fait à la lumière de ces réflexions, de nombreux essaim d’abeille sont présent aux alentours des villages du projet. L’apiculture offre un caractère durable et une mise en pratique relativement simple.
La part des femmes menant une activité génératrice de revenus dans les communautés rurales est très faible, bien qu’elles soient les plus impliquées dans les activités champêtres. Le choix participatif de confier l’activité apicole aux femmes a répondu à une double logique, d’une part à la sécurisation des revenus des foyers mais également à la recherche d’autonomiser les femmes responsables de leur activité. Ainsi, dans le cadre du projet, 7 ruches Kényanes et un pack de matériel apicole (combinaisons de protection, paire de gants, bottes, enfumoirs, seau de récolte, cire pour appâter les ruches, brosse, couteau de récolte, lève cadre et smooker fuel) ont été remis à chacune des femmes, pour lancer l’activité. Des formations en apiculture ont également été dispensées et un suivi de l’implantation de l’activité a été réalisé sur le long terme. Enfin, pour faciliter la création d’une chaine de valeur, les femmes ont pu contractualiser l’achat de leurs produits apicoles avec une entreprise d’achat garantissant les prix de vente. L’objectif de la création de ces AGR était de permettre aux femmes de pouvoir dégager des revenus financiers tout en s’inscrivant dans la logique de développement de la communauté, une partie des revenus liée à la production du miel sera reversée à la communauté. Cette initiative permet à la fois de rendre les femmes plus autonomes et de les impliquer durablement dans la vie socio-économique de la communauté.
Conclusion et perspectives
Le projet « Communautés, femmes rurales, gouvernance forestière et développement communautaire en périphérie des aires protégées de la faune et des autres titres du domaine forestier permanent du Mbam et Kim », piloté par ECODEV avec l’appui de ses partenaires technique (AJESH et PACIFIC SARL) et institutionnel (la mairie de Yoko) sous financement de l’Ambassade France au Cameroun et de la Rainforest Foundation United Kingdom (RFUK) aura à son terme permis de mobiliser 7 comités paysan-forêt (CPF) des villages riverains du paysage forestier du Mbam et Kim sur les véritables enjeux de la gestion durable, de gouvernance des ressources naturelles et l’importance d’une participation active aux activités de protection des forêts dont elles sont riveraines. Le projet a par ailleurs permis aux communautés de découvrir et valoriser les savoirs et savoir-faire des femmes à travers leur implication dans le processus de la gouvernance forestière au niveau local. L’utilisation de la technologie est de nos jours essentielle dans la lutte contre l’exploitation forestière illégale, en la couplant avec les activités traditionnelles des communautés et des femmes (recherche de ressources forestières) la surveillance forestière permet à la fois la préservation de leur environnement et participe également à leur émancipation. L’implication des femmes dans ce projet a également démontré qu’elles étaient des ressources très utiles à leurs communautés et que leurs connaissances pouvaient être mobilisées dans la mise en place d’une gouvernance durable. Il serait opportun que des initiatives du genre soient implémentées dans les autres communautés rurales et autochtones du Cameroun, et même des autres pays du bassin du Congo.
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