MAI NDOMBE REDD+ MONTRE L’INEFFICACITÉ DES CRÉDITS CARBONES FORESTIERS POUR RÉDUIRE LA DÉFORESTATION ET LEUR COÛT HUMAIN
16 décembre 2020
Une nouvelle étude publiée aujourd'hui par l'Action pour la promotion et la protection des peuples et espèces menacées (APEM) et la Rainforest Foundation UK (RFUK) révèle que l'un des programmes de réduction des émissions les plus en vue au monde ne respecte pas les sauvegardes sociales, n'apporte pas de bénéfices locaux et ne prévient pas la déforestation.
Le programme REDD+ juridictionnel de Mai Ndombe en République démocratique du Congo a été salué comme un exemple de protection des forêts, ayant attiré plus de 90 millions de dollars d'investissements au cours de la dernière décennie. Il vise à réduire les émissions dues à la déforestation et à la dégradation, principalement en encourageant l’adoption d’une agriculture de subsistance soi-disant "respectueuse des forêts", notamment au travers de paiements aux résultats et la delivrance de crédits carbones.
Toutefois, un projet de recherche participative sur les perceptions locales du programme a révélé que celui-ci est bien en deçà des attentes en termes de partage des bénéfices, de consultation, de traitement des droits fonciers des autochtones et d'application des garanties REDD+.
Bolukluki (qui signifie "chercher" en lingala) est une équipe d'observateurs de la société civile locale qui, pendant deux ans, a visité 26 villages et interrogé plus de 400 personnes dans le cadre de deux des projets les plus en vue de Mai Ndombe : le PIREDD Plateau géré par le Fonds mondial pour la nature (WWF) et la concession REDD+ privée de Wildlife Works Carbon (WWC). Les résultats, compilés dans le rapportREDD Minus : Le discours et la réalité du programme REDD+ de Mai Ndombemontrent que :
- Les projets n'ont pas obtenu le consentement libre, informé et préalable des populations locales.
- Le niveau d'inclusion et d'appropriation des communautés censées mettre en œuvre les activités REDD+ est scandaleusement bas, en particulier chez les femmes.
- La plupart des bénéfices promis n'ont pas encore été livrés ou les communautés sont insatisfaites de leur mise en œuvre.
- Les efforts déployés pour clarifier et renforcer les droits fonciers des communautés locales sont insuffisants, ce qui les rend vulnérables à la spéculation foncière et à la migration.
- Il n'existe pas de mécanisme fonctionnel de gestion des plaintes et des recours.
- Les deux projets REDD+ semblent avoir peu d'impact sur la réduction de la déforestation et de la dégradation, et dans certains cas, ils ont même catalysé la perte de forêts.
Ces conclusions interviennent à un moment charnière des efforts déployés au niveau mondial pour faire face aux situations d'urgence en matière de climat et de biodiversité. L'année prochaine marquera d’une part l'adoption du cadre mondial pour la biodiversité post-2020 et d’autre part l'augmentation des contributions nationales déterminées (CND) des pays à l'Accord de Paris sur le climat, en prévision de la COP 26 qui se tiendra à Glasgow en Novembre 2021.
Pourtant, il existe un décalage croissant entre le scepticisme de ceux qui ont une expérience de première main de ces programmes REDD+ sur le terrain et l'enthousiasme des institutions et des entreprises internationales pour le REDD+ et d'autres solutions dites fondées sur la nature (Nature-Based Solutions), notamment pour compter dans leurs engagements de réduction nette de carbone.
Le Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF) de la Banque mondiale a récemment signé des contrats d’achat des crédits carbones, incluant Mai Ndombe, totalisant plus de 450 millions USD avec les gouvernements de huit pays et cherche à fournir ces mêmes crédits carbones au système de compensation de l'industrie aéronautique (CORSIA). Les compagnies pétrolières et gazières font la queue pour annoncer leurs propres systèmes de compensation carbones dites fondées sur la nature.
Joe Eisen, Directeur exécutif de la RFUK, a déclaré : «Les conclusions de Mai Ndombe donnent à réfléchir et constituent un avertissement inquiétant sur les risques que des projets de compensation carbone mal conçus font courir au climat et aux populations qui dépendent de la forêt. À moins que les décideurs politiques n'examinent d'urgence l'aptitude de ces systèmes à fournir des réductions d'émissions peu coûteuses, socialement équitables et vérifiables, nous risquons de perdre une autre décennie d'action sur les forêts et le climat, à ce stade nous ne pouvons plus nous le permettre».
Pour voir l’étude, cliquez ici.
Lire la version française ici.
Pour voir le manuel méthodologique de Bolukilui, cliquez ici.
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