Populations, parcs et justice sociale : comment les cartes communautaires peuvent contribuer à une meilleure conservation

28 novembre 2018

Par Maud Salber, Conseillère en plaidoyer, RFUK
Par Maud Salber, Conseillère en plaidoyer, RFUK

La Réserve Tumba Lediima en République Démocratique du Congo (RDC) a été créée en 2006, principalement dans le but de protéger la population locale de bonobos. Singulièrement, au moment de tracer les frontières de la réserve, personne n’a jugé utile de collecter des données sur les populations qui y vivaient déjà et sur la façon dont celles-ci seraient affectées par les mesures de conservation. De plus, personne n’avait reconnu le fait que les groupes ethniques autochtones avaient leurs propres restrictions coutumières sur la chasse aux bonobos et, par conséquent, jouaient déjà un rôle majeur dans la protection des espèces.

La cartographie communautaire appuyée par MappingForRights l’initiative récompensée de la Rainforest Foundation UK (RFUK), a démontré que plus de 100 000 personnes vivaient dans la région, une population dont les moyens de subsistance dépendent largement des ressources forestières. Ces communautés n’ayant pas eu leur mot à dire concernant la création et la gestion de la réserve, elles ont été particulièrement touchées par les restrictions sur la chasse et la pêche qui leur ont été imposées par les dirigeants de la réserve, vivant dans la peur des arrestations et des mauvais traitements de la part des « éco-gardes » armés. Cette situation a exacerbé des tensions qui, aujourd’hui encore, n’ont pas trouvé de solution.

Grâce aux recherches menées par la RFUK dans 34 aires protégées dans l'ensemble de la région, nous savons que de telles situations malsaines sont malheureusement monnaie courante dans la forêt tropicale du Bassin du Congo. Bien qu'il soit de plus en plus reconnu que la conservation fonctionne mieux quand les populations locales sont impliquées, les aires protégées de la région continuent d'être créées et gérées sans tenir compte des droits coutumiers et des modèles locaux d'exploitation des ressources, ni des pratiques historiques, culturelles ou socio-économiques qui ont modelé ces espaces au cours des millénaires.

Ce modèle de conservation vertical (« top-down ») a de lourdes conséquences sur les populations vivant dans et autour des parcs nationaux et des réserves naturelles. Le droit de ces populations au consentement libre, informé et préalable (CLIP), qui constitue pourtant un principe majeur du droit international, est systématiquement ignoré. Lors de la création des aires protégées, même lorsque les communautés ne sont pas physiquement déplacées, elles souffrent malgré tout de sévères restrictions sur leurs activités de subsistance. Ces restrictions s’avèrent souvent incompatibles avec les économies locales, qui sont par ailleurs mal documentées.

Les éco-gardes armés chargés de la surveillance de ces aires protégées outrepassent régulièrement leur mandat. En effet, de nombreux cas de violations des droits de l’Homme ont été signalés dans la région. Écarter les populations locales de cette façon est très préjudiciable à l’efficacité des efforts en matière de conservation sur le long terme - non seulement du fait des risques de situations conflictuelles, mais aussi de par l’occasion manquée de tirer parti de connaissances locales importantes et d’une large participation locale au profit des projets de conservation.

Dans une une nouvelle note d’information, RFUK étudie la manière dont ces problèmes pourraient être évités si des données rigoureuses issues de la cartographie communautaire participative étaient utilisées dès le début de tout projet de conservation planifié, et intégrées à la prise de décision concernant la gestion des aires protégées.

Nous expliquons comment les programmes de conservation actuels, en n’accordant pas l’attention nécessaire aux revendications coutumières locales, aux données démographiques ainsi qu’aux connaissances traditionnelles en matière de conservation, passent à côté d’un énorme potentiel en termes de bénéfices mutuels. Nous formulons des recommandations concrètes sur la façon de tirer profit d'initiatives telles que MappingForRights afin de répondre à cette problématique et de garantir que les populations forestières aient la possibilité de jouer un rôle central dans la protection et la gestion des forêts dont elles dépendent.

Cliquez ici pour lire le briefing complet. Vous pouvez également visionner une courte vidéo sur la réserve de Tumba Lediima ici.

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