La parole aux communautés : Pourquoi nous avons besoin de forêts communautaires en République Centrafricaine

1er juillet 2019

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Une première historique en République centrafricaine (RCA): trois communautés ont récemment obtenu le droit de protéger près de 15 000 hectares de leur forêt tropicale, grâce à l’attribution des toutes premières forêts communautaires du pays. [1]

Les territoires coutumiers des villages de Moalé, Lokombé et Moloukou avaient été attribués par le gouvernement il y a quelques années sous la forme d'une concession forestière industrielle. Toute la zone de forêt tropicale du pays est couverte par de telles concessions ou par des aires strictement protégées, ce qui signifie qu’il n’y a aucun espace légalement disponible pour les communautés. Cependant, avec l’appui de RFUK, le gouvernement centrafricain s’emploie progressivement depuis dix ans à donner aux communautés forestières l’opportunité de gérer elles-mêmes leurs forêts, afin de préserver leur environnement et de contribuer à leur développement.[2]

Cette avancée majeure s’est produite en avril dernier, par la reconnaissance légale de trois forêts communautaires, qui seront gérées conjointement avec la société d'exploitation forestière qui conserve un droit légal sur le bois d’œuvre.

En mai, avec le soutien financier du Rainforest Fund et du Département britannique pour le Développement International (DfID), nous avons organisé un atelier dans la capitale du pays, Bangui, avec 60 participants, y compris des représentants des communautés, afin d’échanger sur les leçons tirées de cette expérience. Ces représentants ont notamment expliqué l'importance des forêts communautaires :

« La forêt appartient à nos ancêtres, elle nous appartient, et c’est pourquoi nous avons voulu une Forêt Communautaire », a déclaré François Mossaba, président du Conseil Coutumier de la forêt communautaire de Lomba. « La manière dont nos ancêtres conservaient la forêt est la meilleure […] nous voulons continuer de la conserver de cette façon », a-t-il ajouté.

L'atelier visait également à dégager un consensus sur la nécessité d’entreprendre des réformes politiques et légales afin de sécuriser les droits coutumiers des communautés locales et autochtones sur les terres et les ressources dont elles dépendent pour leur subsistance.

« Des mesures doivent être prises pour favoriser l’attribution de forêts communautaires à plus grande échelle, mais aussi pour leur garantir de meilleures chances de réussite, à la fois en termes de protection de l’environnement, et de sécurisation des droits coutumiers des communautés locales et des peuples autochtones », a déclaré Marjolaine Pichon, coordonnatrice RFUK pour la RCA.

Des réformes sont en effet indispensables, car l’obtention d’une forêt communautaire est actuellement la seule option légale pour que les communautés puissent sécuriser des droits de propriété et de gestion sur les ressources de leurs territoires coutumiers. De plus, les communautés du sud-ouest de la RCA ne seraient pas éligibles pour demander l’attribution d’une forêt communautaire, sans l’obtention d’une dérogation, car l’intégralité de cette région a déjà été allouée à des concessionnaires forestiers ou à des aires protégées.

Au cours de cet atelier, les participants se sont accordés sur la nécessité de :

  • simplifier la procédure d’attribution des forêts communautaires, afin que les communautés soient en mesure de mener ces démarches de manière autonome ;
  • légaliser l’attribution des forêts communautaires au sein de concessions préalablement allouées à des exploitants forestiers ;
  • augmenter la superficie maximale des forêts communautaires ;
  • promouvoir la participation des femmes à la prise des décisions communautaires, en particulier par la constitution de Conseils des femmes ;
  • réviser le Code forestier et les textes règlementaires y relatifs, en particulier le Manuel de Procédure d’Attribution des Forêts Communautaires en RCA..

Signe positif, toutes les parties prenantes – communautés, société civile centrafricaine, autorités gouvernementales et locales, bailleurs de fonds et secteur privé – se sont engagées à rester mobilisées pour contribuer à la révision du cadre légal relatif à l’attribution et à la gestion des forêts communautaires, conformément à la feuille de route élaborée au cours de cet atelier. Les témoignages et prises de position des représentants des communautés pilotes étaient parmi les moments forts de ces échanges, et ont permis aux autres parties prenantes d’appréhender les réalités vécues par les populations vivant en milieu forestier.

Avec l’appui de RFUK, onze autres villages centrafricains de la Préfecture de la Lobaye sont sur le point de soumettre un dossier de demande pour l’attribution d’une forêt communautaire.

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