Vers des forêts communautaires innovantes en République centrafricaine

1 mai 2018

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Une nouvelle expérience en République centrafricaine (RCA) a le potentiel d'avoir un impact important sur les droits des communautés dans les zones forestières reculées. Après des mois de plaidoyer par la société civile, la RCA est devenue le premier pays d'Afrique centrale à autoriser des communautés à développer des forêts communautaires y compris dans des zones occupées par des concessions d'exploitation forestière.

Une décision prise par le Ministère en charge des Forêts le 29 janvier 2018 pourrait constituer un tremplin vers la révision des lois en faveur des communautés forestières les plus pauvres. sur les zones d'exploitation forestière commerciale.

Comme l'explique Marjolaine Pichon, Coordinatrice pour la RCA à la Rainforest Foundation UK (RFUK) :

« Ce projet consiste essentiellement à transposer des pratiques coutumières largement acceptées en droits formels. Étant donné le contexte auquel le pays est confronté, ce type d'approche flexible et inclusive peut être le début d'une solution concrète pour la gestion des forêts et les droits fonciers. »

RFUK a commencé à travailler en RCA en 2009, en aidant les communautés locales à cartographier leurs forêts pour servir de base à la revendication de leurs droits sur leurs territoires coutumiers. Aujourd'hui, l'organisation aide ces communautés à tirer parti des lois relatives aux forêts communautaires pour sécuriser leurs droits et contrôler officiellement leurs ressources naturelles.

À l'heure actuelle, les communautés forestières du sud-ouest du pays sont confrontées à une dure réalité : la totalité de la forêt tropicale de cette région a été attribuée à des concessions forestières ou à des aires protégées. Les seules terres légalement disponibles pour les communautés forestières sont de petites parcelles, généralement pauvres en ressources, au sein des concessions d'exploitation forestière. Les communautés forestières ont désespérément besoin de sécuriser leurs droits sur les ressources de plus grandes parcelles correspondant à leurs territoires coutumiers, afin d'améliorer leurs moyens de subsistance qui dépendent entièrement de la forêt.

Carte : La quasi-totalité de la couverture forestière de la RCA est située dans le sud-ouest.
Carte : La quasi-totalité de la couverture forestière de la RCA est située dans le sud-ouest.

Cette décision du ministère représente une chance de démontrer comment les communautés locales et les sociétés forestières peuvent coexister. Tandis que les sociétés forestières conservent des droits exclusifs sur le bois d’œuvre, les communautés qui souhaiteront demander l’attribution d’une forêt communautaire pourraient obtenir des droits sur les ressources non ligneuses, telles que la faune, les fruits, les plantes médicinales, les noix, etc.

L'objectif de RFUK est de tirer des leçons des expériences de plusieurs communautés pilotes et de travailler avec les agences gouvernementales et la société civile, afin de faciliter l’attribution à plus grande échelle de forêts communautaires viables en RCA.

L'un des avantages des forêts communautaires est qu'elles peuvent contribuer à unir les gens – un facteur réellement important dans un pays qui peine à se remettre d'un conflit civil dévastateur. Dans la région de Mbaïki, trois villages ont souhaité se rassembler pour déposer une demande d’attribution conjointe pour la gestion de la forêt environnante de Lomba, située au sein d’une concession d'exploitation forestière industrielle.

David Ouangando, point focal du ministère pour les forêts communautaires, faisait partie d'une délégation qui, avec RFUK, a récemment visité ces communautés locales afin de mieux comprendre comment la foresterie communautaire se met en œuvre sur le terrain.

« La manière dont ces communautés ont cartographié les ressources de leur forêt prouve que nous n'avons rien à leur apprendre : elles ont une parfaite connaissance de leur forêt et sont capables de la gérer mieux que quiconque. »

Photo (gauche-droit): M. Komba, membre du Conseil autochtone Moale; M. David Ouangando, Point focal du Ministère pour les forêts communautaires; M. Orsimandji Guela Patrice, Responsable de l'inventaire, de la gestion forestière, de la promotion de l'herbier national et des forêts communautaires; et M. Mosseba François, Président du Conseil Coutumier Lomba
Photo (gauche-droit): M. Komba, membre du Conseil autochtone Moale; M. David Ouangando, Point focal du Ministère pour les forêts communautaires; M. Orsimandji Guela Patrice, Responsable de l'inventaire, de la gestion forestière, de la promotion de l'herbier national et des forêts communautaires; et M. Mosseba François, Président du Conseil Coutumier Lomba

François Mosseba est président du Conseil coutumier de la forêt communautaire de Lomba. Parlant à l'équipe de RFUK, il a exprimé sa satisfaction au nom de sa communauté :

« C'est nous qui avions demandé aux ONG de nous accompagner dans les démarches d'obtention d'une forêt communautaire. [...] Aujourd'hui, le gouvernement a accepté de nous laisser continuer le processus, nous ne pouvons que dire merci. »

L'une des prochaines étapes consiste pour les communautés locales à signer des accords (ou «protocoles») avec les sociétés forestières opérant dans la région, afin de clarifier leurs droits et responsabilités de chacun. RFUK et ses partenaires accompagneront les communautés pour s'assurer qu'elles puissent collectivement exprimer leur consentement libre, éclairé et préalable (CLIP).

« Toutes les personnes impliquées dans l'expérience de la foresterie communautaire en RCA sont sous pression pour éviter de reproduire les erreurs commises ailleurs, » explique Mme Pichon. « Dans certains pays voisins, nous avons vu comment des individus influents ont profité du processus, parfois avec la complicité des élites locales. Ce phénomène a également été observé en RCA, en particulier dans des contextes où les communautés n’avaient pas eu la possibilité de sécuriser leurs droits sur les terres ou les ressources. C'est l'une des raisons pour lesquelles il est si important de soutenir les communautés et de s’assurer que personne ne tente de tirer injustement profit de leurs ressources. »

La RCA abrite un peu plus de 20 millions d'hectares de couvert forestier, et seulement 25% environ de cette superficie est constituée de forêt tropicale, qui se concentre presque entièrement dans le sud-ouest du pays. Avec l'expansion de la foresterie communautaire, de plus en plus de zones forestières seront potentiellement disponibles pour que les communautés puissent les utiliser durablement et collectivement.

Le travail de RFUK en RCA s’inscrit dans le cadre du projet CoNGOs«ONG collaborant pour des moyens de subsistance communautaires équitables et durables dans les forêts du bassin du Congo», un consortium mené par IIED et avec l'appui financier du Département britannique pour le développement international (DFID), qui vise à améliorer la gouvernance et les moyens d’existence des communautés forestières dans le Bassin du Congo.

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